Pourquoi je ne suis pas bienveillante ? 😈
- Céline Lévy
- 18 juin 2024
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 19 juin 2024
«Accompagnement bienveillant », « personne bienveillante », « approche bienveillante », « merci pour votre bienveillance »…
Nul doute que vous ayez déjà entendu un de ces termes associés à la bienveillance.
Plutôt à la mode ces derniers temps, il est très difficile de leur échapper.
J’utilise à dessein le mot « échapper », et j’ai conscience que cela peut surprendre…
Mais pourquoi vouloir « échapper » à un mot et pourquoi à ce mot là en particulier ? pourtant tellement chargé d’amour du prochain et de bonnes intentions ?
Peut-être parce que de nos jours le mot « bienveillance » n’a plus grand-chose à voir avec sa définition première, telle que citée dans le Larousse 2013
(Oui je fais partie de ceux qui ont encore de vieux dictionnaires papiers et qui les consultent avec plaisir 😁)
Bienveillance : « Sentiment par lequel on veut du bien à quelqu’un »
Louable et noble intention que de ne pas vouloir heurter l’autre et de lui souhaiter tout le bien du monde.
Cependant, en 2024 lorsque l’on parle de bienveillance, que l’on dit de soi que l’on est bienveillant, que l’on fait les choses avec bienveillance ou que telle personne est bienveillante, c’est comme si, d’une certaine manière en disant cela on avait tout dit sur tout.
Tout dit de soi ou tout dit de la personne, de sa valeur, de ce qu’elle est.
Et en l’occurrence : quelqu’un de bien sous tous rapports (pardon, « une belle personne »).
En fait, tel qu’on l’entend aujourd’hui, cette bienveillance tend plutôt à se rapprocher d’une sorte d’indulgence altruiste, qui en croyant tout dire, au final ne dit rien.
Force est de constater, que si l’on ne se range pas du côté des « bienveillants », alors on entre par défaut du côté des « non-bienveillants » voire des « malveillants », en gros : les « pas gentils ».
Selon moi (et ça n’engage que moi), cette bienveillance, sous son vernis lisse et sans écueil, empêche d’exprimer une certaine objectivité, quitte à priver l’autre d’un réel bienfait.
Un professeur « bienveillant » en 2024, par crainte de déstabiliser un mauvais élève évitera de lui mettre la note qu’il mérite. En faisant cela, il espère l’encourager, alors qu’en réalité il ne fait que le maintenir dans sa médiocrité et l’empêche d’évoluer.
Un ami « bienveillant » en 2024, pour ne pas risquer de nous contrarier, s’empêchera de donner un avis sincère sur nos choix, même s’il estime qu’ils vont contre notre intérêt.
Dans un groupe de travail « bienveillant » en 2024, si l’on est amené à devoir commenter la prestation d’un collègue, aussi mauvaise soit-telle, on s’abstiendra de mentionner ou de trop souligner ce qui n’allait pas et on enrobera notre discours de compliments ou d’une intention « bienveillante ». Ne surtout pas émettre la moindre critique ou remarque qui pourrait pourtant lui être utile et constructive.
Vive la communication non-violente !!
Certains diront : pourquoi blâmer la bienveillance ? N’en a-t-on pas besoin de nos jours ?
N’est-il pas préférable de « ménager » son prochain ?
Je ne rejette pas en bloc la notion de bienveillance comme je ne prône pas le triomphe du mal absolu et de la méchanceté sur le monde...
Je questionne simplement CETTE bienveillance-là.
Celle qui est dans l’air du temps, celle qui se revendique bienveillance et qui, sous couvert de bons sentiments tire les gens vers le bas et de fait exclue toute forme d'authenticité.
Si la bienveillance aujourd’hui s’entend comme une forme d’indulgence mielleuse et superficielle enrobée de tiédeur, alors, quitte à être à contre-courant, je peux dire sans rougir que je ne suis pas bienveillante, en tout cas pas de cette bienveillance-là.😈
Exprimer ce que l’on a à dire, avec respect et pourquoi pas même avec douceur, même si ce n’est pas positif, s’autoriser à l’exprimer parce que cela peut être important pour l’autre de l’entendre. Mais aussi parce que ça peut potentiellement l’aider et que l’on n’aura probablement plus l’occasion de le dire.
Cela n’exclue pas, dans la mesure du possible, de choisir les mots justes, le moment approprié, prendre le temps qu’il faut. Simplement s’autoriser à remettre l’autre en question, à l’interroger, et accepter pour un temps de ne pas être aux yeux des autres ou même, à nos propres yeux une « belle personne ».
L’inverse est aussi valable : accepter d’être soi-même remis en question par l’autre, pouvoir entendre ce qu’il a à nous dire, le peser, puis laisser infuser les mots en nous et garder ce qui nous servira le mieux et nous aidera à grandir.
Bien sûr, à la fin des fins, on peut aussi choisir de se taire...
Parfois le silence est aussi porteur de sens et peut éviter nombre de maladresses.
Qu’en pensez-vous ? cette idée ne s’approcherait-elle pas de la définition originelle de la bienveillance : « sentiment par lequel on veut (vraiment) du bien à quelqu’un ? »
Et vous, êtes-vous bienveillant ?
Céline Lévy